PUEBLA

Bien peu connaissent l’existence de Puebla… Et jamais celle-ci, jusqu’à ce jour, n’avait souhaité rendre publique son œuvre, à la personnalité si singulière, connue de quelques spécialistes mais dont la rareté volontaire interdisait toute cotation. Aujourd’hui, pour la première fois, elle a décidé, grâce aux nouvelles technologies, de dépasser le cadre d’une simple exposition – ce qu’elle avait toujours refusé- pour faire partager son univers et comme aimait à le dire Brecht, « élargir le cercle des initiés »…

Sa biographie elle même reste imprécise. Son nom d’artiste vient bien sûr du Mexique et de la Ville de Puebla, dont elle est duchesse, titre venant à sa famille de Napoléon III, lors de l’expédition qui mit l’Empereur Maximilien sur le trône. Elle est également la petite fille de Madame Charles Dullin et commença sa carrière d’artiste au théâtre où elle créa notamment « le bout de la route » de Jean Giono tourna dans plusieurs films puis devint psychanalyste, travailla à l’hôpital Rothschild avant de choisir une carrière de journaliste et de directrice artistique pour des groupes de presse. Avec toujours une même attirance pour le monde de l’art. Ce qui lui fit entamer ses propres recherches picturales autour du dessin et du collage, avec ce sens inné de la couleur et du volume et quelques rares approches vers un figuratif fantasmé.

Puebla sera pour beaucoup une découverte. Celle d’un talent vrai, d’une nature sans équivalent, tant son art est personnel, qui au delà de l’apparence joue avec les codes pour mieux les détourner. Elle nous invite à la suivre dans ses rêves, qu’elle transcrit en des fulgurances d’éternité, comme l’ultime clin d’oeil du psychanalyste…

Olivier de Tilière
de l’Union Française des Experts
en antiquités et objets d’art

Contre-champ imaginaire !

Propos recueillis par
Didier Guelfucci
lors du tournage de « Contre-champ imaginaire »

Je commencerai de manière inhabituelle, en proposant aujourd’hui de partager ma première impression à la vue de ce tableau. Et j’ai envie de dire, parlez moi de ce tableau, avant que nous disions un peu qui vous êtes…

Eh bien cette femme est peut—être dans une réflexion mélancolique, mais c’est pourtant dans un jeu de séduction mystérieux, qu’elle semble se cacher, par pudeur ou provocation? C’est un tableau magique, à double face, et de l’autre coté, on voit un chevalier masqué de son heaume. Mais son costume peut—il être un leurre ? L’un serait—i1 l’autre ? Ou nous font—il part de leur dualité ? Et le cadre sculpture qui les réunit à repris un élément spécifique de chacun d’eux. La féminité de l’éventail pour elle, la force du gorgeron de l’armure pour lui, comme soudés ensemble sur un des cotés du cadre, et pourtant dos à dos. L‘histoire ne se répéterait-elle pas ?

Je suis frappée par ce commentaire. N’y aurait-il pas dans ce que avez évoqué quelque chose qui nous ramènerait à la psychanalyse vous êtes de formation psychanalytique. Et vous êtes aussi directrice artistique de revues de décoration.

Pour moi tout cela est lié et pourrait faire l’objet d’un autre d’un autre discours… Mais aujourd’hui c’est le peintre qui est ici.

Décor Mural

Oui, et je voudrai justement que-vous me parliez de l’originalité de votre travail, dans sa recherche…

Alors j’ai envie de commencer de manière un peu singulière, ambiguë, pour les gens qui ne connaissent pas du tout mon travail, en vous lisant l’extrait d’un de mes écrits. Ils sont.. Labyrinthe discontinu d’une mémoire morcelée. Découper des signes, détourner des formes. En créer d’autres qui adhèrent â l’instant, et dans un réel perpétuellement en fuite, dire beaucoup avec très peu. Ouvrir des perspectives. Des questions. Des vibrations. Comme l’éternel mouvement de toute vie. Et dans l’imbrication des lignes qui effacent les limites de l’oeil, au delà de l’apparence, perdre ses repères et en trouver de nouveaux, sans agencement esthétique délibéré, en oubliant, peut—être, la brisure de l’identité originelle, dans l’émotion du partage!

L’érosion crée un monde courbe. La spirale inscrit le mouvement dans un espace volumétrique. Le corps humain n’inscrit dans l’espace que ces lignes là. Le plus souvent c’est à ces formes que j’adhère. Moins agressives et guerrières que les droites. Vérité paradoxale qui mène vers la mort. Serai—je parti d’un autodafé vengeur, dans un massacre de papier Je plus souvent glacé, incluant la violence de notre époque et son esthétisme ? C’est peut—être dans un respect pervers que j’exécute à la pointe du ciseau, tel le peintre à celle de son pinceau, ce « je ne sais quoi » et ce « presque rien » qui, une fois isolés de leur contexte, deviennent comme le reflet maîtrise de l’inconscient et oeuvrent, seuls, dans le langage du matériau, par l’intelligence de la main, 1’appétence de l’oeil, associant les morceaux superbement importants d’un miroir brisé.” Le papier, comme l’encre, l’huile, la gouache ou le pastel, est à la fois une matière et un matériau, que j’utilise dans cette série de tableaux.

À la suite de l’arbre de la croix, peut-être l’art est-il une réponse ?

Pas seulement à un niveau personnel. C’est la réponse d’une époque, dans la construction de ses pensées ,de ses formes et de ses couleurs. L’art est un lieu du temps, comme le miroir. Il permet de s’opposer à l’uniformité qui nous menace, sous l’apparente multiplicité de l’image d’aujourd’hui.

L'éveil du printemps

Pendant que vous parliez, nous venons de regarder plusieurs tableaux qui sont passés devant nos yeux. Je trouve celui—ci assez étrange. J’aimerai que vous nous en parliez. Mais comment pouvez—vous commenter vos tableaux ?

Le tableau achevé, il se détache de moi. Il vit sa propre histoire. C’est pourquoi je peux évoquer ce qu’il me suggère aujourd’hui, ce qu’il pourrait raconter; J’ai envie d’associer à ce que je viens de dire une phrase de Goethe. « Faire un meilleur avenir avec les éléments élargis du passé. » C’est peut—être ce à quoi je participe d’une manière ludique en vous invitant à une courte réflexion sur certains tableaux.

Alors quand vous évoquez Goethe, c’est aussi et surtout la fonction de votre travail de recherche ?

Oui, puisque c’est à partir d’anciennes images, vécues comme ponctuation du temps passé, que j’ouvre de nouvelles perspectives. C’est celle d’une mort pour une renaissance.

Alors ce tableau-ci est aussi un visage de femme ? Que pourrait—on dire de son accoutrement ?

Est—elle blessée ? Déguisée ? Maquillée ? Est—elle immobile dans la nuit ? Ou dans ses souvenirs ? Dans ses délires ou dans les grondements d‘une guerre ? Son visage semble comme captif d’un émoi.

Nous allons regarder un dernier, tableau et nous quitter sur le commentaire que vous allez en faire. C’est un constat m’avez—vous dit …

Est-ce un arbre de violence ? Cible et flèches 7 Vitrail et cris ? Plume et feu ? C’est un arbre libre . L’arbre—Croix peut—être…

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